Ma première motivation à être végane est éthique. Les animaux sont des êtres sentients, capables d’émotions, de ressentir la douleur… un ensemble de phénomènes psychiques reconnu par la communauté scientifique.
George Bernard Shaw disait : « Les animaux sont mes amis… et je ne mange pas mes amis »
Antispécisme
Mais développons. Je ne suis pas vraiment l’amie des animaux (même si j’adore mes trois chats, y a d’autres animaux qui me font peur, genre les insectes – mais je ne les tue pas pour autant). Si l’on étudie la phrase de Shaw, je pense qu’il ne voulait pas dire cela non plus. C’est une image frappante. Considérer un animal comme un ami, c’est considérer ses besoins, sa souffrance, son envie de survivre… comme égaux à ceux de l’Homme. Cela ne veut pas dire que l’on considère que les animaux ont les mêmes besoins que les êtres humains, mais ce sont des êtres vivants sensibles. On explicite souvent cela par cet exemple : il ne s’agit pas de donner le droit de vote aux poules.
Suprématisme humaine ?
Je viens très grossièrement de résumer l’antispécisme. A l’image du racisme et du sexisme, le spécisme considère que l’appartenance à une espèce donnée est un critère déterminant pour l’assouvir. C’est adhérer à un suprématisme humain, considérer que l’Homme (et bien souvent de sexe masculin et blanc – les différentes oppressions sont liées plus qu’on ne le pense) est au centre de l’univers. Que l’on soit d’accord, il ne s’agit pas de nier les différences entre les animaux non humains entre eux ni celles avec les êtres humains. Je ne pense que cela soit incompatible avec l’égalité de traitement des besoins des uns et des autres. Il nous reste encore beaucoup à imaginer pour nous diriger vers cet idéal de société. Cela impliquera de repenser beaucoup de choses.
Pour en savoir plus sur le sexisme et la consommation de viande, je vous invite à lire cet article de l’autrice Elise Desaulniers : Les vrais mâles préfèrent la viande.
Capacitisme ?
Et pourquoi serions-nous supérieurs aux animaux ? Parce que nous avons le logos selon certains, le langage, mais aussi ce discours intérieur que nous appelons parfois conscience. Parce que nous sommes intelligents pour d’autres, capables d’établir des contrats entre nous, ce qui n’est pas le cas des animaux. Puisqu’ils ne peuvent pas signer de contrat pour la vie en société, nous n’avons pas de devoir envers eux, comme ils n’en ont pas envers nous. La question des enfants, des personnes en situation de handicap mental ou de certaines personnes âgées en « régression » se pose alors dans un tel système.
Pour en savoir plus sur le spécisme et le capacitisme (et les biais capacististes utilisés aussi par les véganes), je vous conseille cet article du philosophe Frédéric Coté-Boudreau : Spécisme et capacitisme, quand l’intelligence se fait violence
La déclaration de Cambridge
Le 7 juillet 2012, d’éminents chercheurs, dont le neuro-scientifique Philipp Low et le physicien Stephen Hawking, ont signé à Cambridge une charte reconnaissant que les animaux ont une conscience. « L’absence de néocortex ne semble pas empêcher un organisme d’éprouver des états affectifs. Des données convergentes indiquent que les animaux non-humains possèdent les substrats neuroanatomiques, neurochimiques et neurophysiologiques des états conscients, ainsi que la capacité de se livrer à des comportements intentionnels. Par conséquent, la force des preuves nous amène à conclure que les humains ne sont pas seuls à posséder les substrats neurologiques de la conscience. Des animaux non-humains, notamment l’ensemble des mammifères et des oiseaux ainsi que de nombreuses autres espèces telles que les pieuvres, possèdent également ces substrats neurologiques. »
Futé comme un mouton et roublard comme un poisson
La recherche montre des comportements développés chez le plupart des espèces animales. Contrairement aux idées reçues, les moutons sont plutôt futés et capables de rouler sur eux-mêmes pour aller brouter une herbe plus verte.
Une étude sur les poissons nettoyeurs, de Redouan Bshary, chercheur à l’université de Neuchâtel en Suisse, montrent que ces « ouvriers », friands du mucus présent sur les autres poissons, tentent d’en voler à leurs clients, mais cette décision se fait en fonction des conditions extérieures comme d’autres poissons nettoyeurs à proximité qui pourraient « récupérer » le client la fois suivante. Ils savent aussi se réconcilier avec un client mécontent. Ce ne sont que des exemples parmi d’autres études qui montrent des interactions complexes entre les animaux. Et les cochons ne sont pas en reste, ils sont capables de jouer à un jeu vidéo, démontrant des capacités de représentation développée.
Sur le blog d’Eucalyptus Eater, découvrez d’autres exemples sur l’intelligence animale.
La souffrance comme critère
Au-delà des preuves de sentience des animaux non humain, la souffrance devrait déjà être, pour certains philosophes, l’unique condition d’attribution des droits. Si les animaux souffrent, cela justifie le fait de ne pas leur infliger de douleur. Rousseau fondait l’éthique animale au siècle des Lumières avec cette affirmation. Bentham en 1789 appuie également son argumentation sur ce critère :
« La question n’est pas : Peuvent-ils raisonner ? ni : Peuvent-ils parler ? mais : Peuvent-ils souffrir ? « Jérémy Bentham
Certains rétorquent que les animaux souffrent moins que nous. Sur quels critères se baser pour évaluer le degré de souffrance ? La douleur est une expérience intime, nous ne pouvons que l’imaginer, la deviner chez les membres de notre propre espèce, comme chez ceux d’autres espèces. La souffrance dont nous parlons est celle physique, mais aussi psychologique, comme celle des vaches laitières séparées de leur veau à la naissance ou peu de temps après. Voilà pourquoi le philosophe et juriste Gary Francione n’hésite pas à dire qu’il y a autant de souffrance dans un verre de lait que dans un morceau de viande.
Il est à noter également que les animaux de « proie » ont tendance à cacher leur douleur. Il s’agit d’un mécanisme de survie.
Le carnisme et la dissonance cognitive
Nous avons été élevés dans une société où l’on reconnaît paradoxalement la sensibilité des animaux, mais où l’on occulte les conditions d’élevage et d’abattages des animaux pour la consommation. Quand on se penche sur la question, il est d’ailleurs étrange de constater qu’il existe deux catégories d’animaux : ceux que l’on mange et les autres. Une différenciation culturelle qui varie selon les lieux. Ainsi, en France il est impensable de manger du chien, ce qui n’est pas le cas en Corée du Sud, les japonais mangent du dauphin, les anglais ne mangent pas de lapins…
« Nous réagissons différemment à différents types de viandes, non parce qu’il existe une différence physique entre elles, mais parce que nous les percevons différemment « , explique Melanie Joy, en 2010, dans Why we Love Dogs, Eat Pigs and Wear Cows ?
Nous avons ainsi grandi dans ce que Melanie Joy appelle l’idéologie carniste, sans même le savoir. Une idéologie invisible, comme le racisme et le sexisme l’étaient avant d’être révélés. Celle-ci justifie la consommation d’animaux, en s’appuyant sur « 3N » : manger de la viande est Naturel, Normal et Nécessaire. Tout notre environnement vise à soutenir ce mythe, malgré ses incohérences.
« On sait vaguement qu’il y a de la souffrance animale, mais on ne perçoit pas l’intensité de celle-ci parce que notre perception morale est brouillée par l’idéologie carniste « , développe Martin Gibert, spécialiste francophone sur la notion de carnisme.
Si presque tout le monde s’accorde à dire que les animaux souffrent, sont des êtres sensibles, presque tout le monde mange des animaux.
Pour expliquer cela Martin Gibert parle de dissonance cognitive entre une croyance (les animaux sont des êtres sensibles capables de souffrir) et un comportement (consommer des animaux, ce qui implique de les faire souffrir). Ce phénomène sociologique a été étudiée dans d’autres domaines. Nous sommes en situation d’inconfort. Pour y remédier, il existe plusieurs solutions.
On peut arrêter de consommer des produits animaux. C’est la stratégie, a priori, la plus évidente. Et pourtant, ce n’est pas si simple (pas vrai?).
La dissonance cognitive peut aussi être dissipée en ajustant les croyances : peut-être que les animaux ne souffrent pas vraiment, nous n’avons pas le choix, la viande est naturelle et puis j’en mange peu… les gens qui n’en consomment pas sont bizarres, extrémistes, je ne veux pas leur ressembler. Ces pensées prêtes à l’emploi sont fournis par l’idéologie carniste.
Les conditions de vie et de mort des animaux jugés comestibles
En France, 1 milliard d’animaux1 sont abattus chaque année et 800 000 tonnes d’animaux aquatiques sont mises sur le marché. 747 900 000 poulets, 76 100 000 canards, 45 900 000 dindes, 36 800 000 poules, 31 700 000 lapins, 25 100 000 pintades, 23 653 000 cochons, 4 642 600 bovins, dont 1 305 300 veaux, 3 685 900 agneaux, 714 600 chèvres, 544 800 moutons adultes, 300 000 oies, 17 100 chevaux. Sans oublier les poissons, bien souvent compté en tonnes et représentant plusieurs milliards d’individus. Ce sont les premières victimes du carnisme. Un véritable zoocide pour reprendre le terme de Mathieu Ricard.
Je vous épargnerai les vidéos dans les élevages ou les abattoirs, L214 ne manque pas de reportages sur le sujet. Le livre de Joan Safran Foer, Faut-il manger les animaux ?, détaille également les conditions d’élevage des animaux.
Pour ne donner qu’un aperçu, les poules vivent dans des espaces restreints, sans pouvoir étirer leurs ailes, n’ont bien souvent plus de plumes, leurs becs sont épointés à vif, les cochons subissent une castration sans anesthésie, ont la queue coupée, les dents meulés, les lapins sont entassés dans des cages grillagés… Ils vivent tous dans des conditions qui ne leur permettent pas d’avoir des rapports sociaux normaux (d’où les meulages, épointages etc. pour limiter les dégâts des animaux se battant entre eux faute d’espace, de hiérarchie sociale…).
Vous pouvez lire ici le témoignage d’un doctorant dans un élevage de cochon et la souffrance humaine qui découle également de celle animale. Dans les abattoirs, la situation n’est guère mieux pour les uns et les autres, une cadence insoutenable fait que les animaux sont mal ou pas étourdis, la violence du système (les cris, la peur, le sang) entrainant la violence des hommes qui torturent parfois les animaux avant leur mort…
« On n’a pas deux cœurs, l’un pour l’homme, l’autre pour l’animal… On a du cœur ou on n’en a pas . » Alphonse de Lamartine
Alors oui, il existe de beaux petits élevages (qui utilisent souvent les mêmes usines d’abattages que les autres, même en bio) où les animaux vivent en plein air.
Ce n’est pas le modèle principal, basé sur l’élevage intensif et ce n’est pas prêt de changer avec l’augmentation de la demande en viande.
Ensuite, la finalité reste la même : la mort. Par exemple, des poulets élevés en plein air, vivant 81 jours au lieu de 38 en moyenne dans un élevage intensif, pourraient vivre jusqu’à 15 ou 20 ans.
Le véganisme allant plus loin que l’alimentation, nous pouvons également constater que ces chiffres ne comptent pas les animaux utilisés pour leur fourrure (19 000 visons en France chaque année), pour tester les cosmétiques ( oui, normalement on ne teste plus en Europe mais c’est un peu plus compliqué que ça, comme l’explique laptitenoisette ) et les produits ménagers. 2,2 millions d’animaux sont également utilisés par la recherche. Je pense que ces éléments mériteraient un article en eux-mêmes, tout comme les conditions de vie des animaux dans les zoos et delphinariums.
Il n’est plus nécessaire aujourd’hui de consommer des produits animaux pour vivre. Nous y reviendrons dans un futur article sur la santé. C’est aussi une des solutions pour réduire notre impact sur l’environnement et agir sur le réchauffement climatique, comme je vous le présenterai prochainement.
Avertissement : Attention, je ne juge personne. Je présente juste ce qui a motivé ma décision personnelle de devenir végane. Mon but est d’informer, partager. Je vous invite bien entendu à donner également votre avis dans les commentaires, mais n’oubliez pas que je n’ai insulté personne dans cet article, merci.
1 Les produits carnés, avicoles et laitiers, données statistiques 2014, France AgriMer, août 2015. URL : http://www.franceagrimer.fr/content/download/39669/367775/file/STA-VIA-LAIT-Donn%C3%A9es%20statistiques%202014.pdf.
Pour lire mon expérience du passage d’omnivore à végane, je vous invite à lire cet article d’introduction : pourquoi être végane ?
Voir les commentaires (2)
Merci beaucoup pour le partage de l'article ;) En effet je crois qu'il est très très important de faire attention aux cosmétiques que l'on utilise et comme tu le dis, le veganisme ce n'est pas que l'alimentation. Ton article est très intéressant, j'ai bien aimé te lire :)
A très vite j'espère.
Merci à toi pour ton article très clair ! Je suis heureuse que l'article t'aie plût. A bientôt !